Le Sénat a voté pour la suppression de l’Agence bio. Cette coupe budgétaire est insensée alors que l’agriculture biologique traverse une crise, dénoncent les acteurs de la filière.
« Ce sont des économies de bout de chandelle ! », s’insurge le président de la Fédération nationale de l’agriculture biologique (Fnab). « Un nouveau signal négatif aux producteurs et productrices bio », déplore la Confédération paysanne dans un communiqué du 20 janvier. L’objet du courroux : l’adoption par le Sénat dans la nuit du 17 au 18 janvier d’un amendement supprimant les crédits de fonctionnement de l’Agence bio, l’Agence française pour le développement et la promotion de l’agriculture biologique.
Afin de réduire les coûts et le nombre d’opérateurs publics comme le souhaite le gouvernement, ses missions pourraient être confiées à France AgriMer, un établissement public.
Au cours des débats, Annie Genevard, la ministre de l’Agriculture, a jugé l’idée « évidemment intéressante et même tout à fait pertinente » dans son principe, et s’en est remise à la sagesse du Sénat pour le vote. « Une réaction totalement scandaleuse », considère Générations futures dans un communiqué. Pour l’ONG, la ministre aurait dû donner un avis défavorable à cet « amendement scélérat ».
De minuscules économies
« On est dans l’incompréhension totale. Il y a quand même 1 agriculteur sur 6 qui est en culture bio, dit à Reporterre Jean Verdier, président de l’Agence bio et membre du Synabio [1]. La filière compte 22 000 entreprises et 250 000 emplois. Et pendant le week-end, on apprend par une dépêche AFP que l’Agence va être supprimée, sans explication, ni rien ! »
Philippe Camburet, président de la Fnab, dénonce un esprit de « l’économie à tout-va » et estime que des économies pourraient être faites ailleurs, « par exemple sur des cadeaux fiscaux à des firmes ». Il met en garde : « On risque de se priver du seul outil en mesure de promouvoir l’agriculture biologique et de la faire repartir sur de bons rails. »
L’économie permise par la suppression de cette ligne du budget semble réduite, a reconnu Laurent Duplomb, sénateur Les Républicains de Haute-Loire et initiateur de cette proposition : « En comparaison des 284 millions d’euros de dette supplémentaire que nous venons de voter, cet amendement va paraître de bien faible portée. » En effet, les crédits supprimés s’élèveraient exactement à 2 908 670 euros.
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Une agence dotée de multiples missions
En revanche, cette coupe budgétaire pourrait avoir des conséquences graves pour toute la filière bio, alors que cette dernière commence tout juste à repartir après trois ans de crise. La décision est qualifiée de « brutale » et de « non-sens » par l’ensemble des organisations professionnelles réunies au sein de l’Agence. « L’agence a aujourd’hui trois grandes missions et on ne voit pas très bien comment elles seront remplies demain », s’inquiète Jean Verdier.
La première consiste à promouvoir l’agriculture bio. Ainsi, à l’occasion du prochain Salon de l’agriculture, l’Agence doit relancer sa grande campagne BioRéflexe en faveur des produits bio. « Cette campagne de promotion est absolument nécessaire pour relancer la demande, dit Philippe Camburet. La feuille de route a été établie, elle est orchestrée, les rôles sont distribués. Ce n’est pas le matin de la première qu’on réorganise la troupe de théâtre ! »
L’organisme centralise aussi toutes les données du secteur bio, les analyse et les diffuse à travers un observatoire et des rapports. « Le bilan n’étant pas extraordinaire — puisqu’on va probablement perdre des surfaces en agriculture biologique cette année —, je ne suis pas sûr que le gouvernement ait envie d’avoir un indicateur très précis et en temps réel de ces mauvaises performances », analyse le président de la Fnab.
Enfin, l’Agence accompagne de nombreux projets de développement de la filière bio via le fonds Avenir bio, doté de 18 millions d’euros en 2024. « En quinze ans, nous avons distribué 120 millions d’euros, dit Jean Verdier. L’effet de levier est important : quand on met 1 euro, ça permet à l’entreprise de lever environ 4 euros. L’Agence bio est considérée comme un garant : la Région abonde, les banques prêtent, les investisseurs sont intéressés… »
Appel à la démission d’Annie Genevard
Face aux réactions négatives, le ministère de l’Agriculture se veut rassurant : « Si une rationalisation des coûts de fonctionnement s’avère nécessaire, elle ne peut être réalisée sans une réflexion approfondie et partagée. » La ministre s’engage à ce que les missions actuellement portées par l’Agence bio soient poursuivies « de manière optimale, même en cas de regroupement », assure son cabinet.
Ces engagements risquent de ne pas convaincre des organisations déjà échaudées par les déclarations récentes de la ministre sur son projet de simplifier « les normes ». « Cette possible suppression [de l’Agence bio] participe des retours portés par certains responsables syndicaux, des parlementaires et le gouvernement au sujet des défis environnementaux pour l’agriculture », estime ainsi la Confédération paysanne.
Pour Générations futures, Annie Genevard « apparaît chaque jour davantage comme une simple courroie de transmission [de la FNSEA] au sein du gouvernement ». L’ONG demande sa démission.
La pétition pour refuser la suppression de l’agence bio est là:
https://soutien-agencebio.agirpourlenvironnement.org/