Mercredi 4 février 2015, débats au Sénat sur une proposition de loi interdisant les néonicotinoïdes : des insecticides qui agissent sur le système neuronal de tous les insectes, « ennemis des cultures » comme pollinisateurs.
Piètre séance : les sénateurs se succèdent pour déconseiller l’adoption de cette loi. Chacun lit laborieusement un texte qu’il connaît peu, et ânonne le mot néonicotinoïde qui lui était apparemment étranger le jour d’avant. Plusieurs refrains sont entonnés par nos élus : La science, rien que la science ; laissons faire nos agences, l’européenne Efsa, la française Anses ; la mort des abeilles est multifactorielle.
Sur les sièges de peluche rouge, brièvement éclairés par les caméras de Public Sénat, les rares sénateurs présents baillent, somnolent, discutent, tweetent.
Puis vient le ministre de l’agriculture. Il parle sans papier, au début. Lui, au moins, ne bute pas sur le mot néonicotinoïde, hésite à peine sur les trois molécules principalement utilisées, pour rappeler qu’elles ont déjà été réduites sur certaines cultures. On l’écoute mieux : La science, rien que la science ; la mort des abeilles est multifactorielle ; nous avons des Agences, laissons-les faire. Puis il consulte ses notes pour égrener les milliards que notre agriculture et ses fournisseurs perdraient s’ils renonçaient à ces insecticides…
Multifactoriel ! mot magique. Tous les cancers, autres que celui causé par l’amiante, sont multifactoriels. La Science ne reconnaît qu’une seule cause d’un seul effet. C’est ce que l’on vous dit quand vous suppliez les médecins d’alerter et d’informer les bien-portants sur les dangers des pesticides. En agriculture, les pesticides vont tuer aussi les insectes pollinisateurs (encore un mot difficile à prononcer pour nos élus), mais leur mort reste multifactorielle.
Monsieur le ministre, vous l’avez dit vous-même, les néonicotinoïdes agissent sur le système nerveux des abeilles, les désorientent et elles ne retrouvent plus leur ruche. Ce n’est pas « unifactoriel », ça ? Les abeilles qui ne retrouvent pas leur ruche meurent. Tous les apiculteurs sont témoins de ce phénomène. Ils l’observent depuis 1996, depuis qu’une autorisation provisoire a été accordée pour l’enrobage des semences, autorisation assortie de l’obligation de compléter les tests de toxicité, ce qui n’a pas été fait.
Pas d’étude, pas de toxicité, c’est la science de l’Afssa devenue Anses.
Et le Groupe de travail sur les pesticides systémiques, ce n’est pas de la science ?
Monsieur le ministre, messieurs les élus, les néonicotinoïdes infligent aux abeilles, et à tous les autres pollinisateurs, une mort directe, unifactorielle. Même si le mot n’existe pas encore, il est facile à prononcer.
Efsa : autorité européenne de sécurité des aliments (European Food Safety Authority)
Anses: Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail
Afssa: Agence française de sécurité sanitaire des aliments